18-01-2021

Isabelle Job-Bazille : S'endetter sans limite

Avec la crise de la Covid, les gouvernements ont dépensé sans compter afin d’amortir les conséquences du choc sanitaire sur l’emploi, les revenus et le tissu productif, et s’ériger ainsi en rempart contre le risque d’effondrement de l’économie. Il n’est pas question aujourd’hui de retirer la perfusion trop tôt et d’anéantir les efforts réalisés jusqu’à présent pour limiter les dégâts économiques et sociaux liés à la pandémie, si bien qu’au sortir de la crise, les États vont se trouver lestés d’un lourd passif posant avec plus d’acuité la question des limites à l’endettement public.

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Isabelle Job-Bazille : S'endetter sans limite

L’État n’est pas un agent ordinaire, il fait face à une contrainte de solvabilité plus souple qu’un ménage ou une entreprise vu sa capacité à lever l’impôt et surtout à transférer le poids de sa dette d’une génération à l’autre. On parle ainsi plutôt pour l’État de dette soutenable, celle dont la trajectoire peut être stabilisée à un horizon donné sans qu’on sache bien s’il existe un niveau limite.  

Cependant, si un pays s’endette de manière jugée déraisonnable, il peut perdre la confiance des investisseurs et des épargnants et avoir des difficultés à se refinancer au point parfois d’être acculé au défaut. Le souvenir douloureux de la crise des dettes souveraines de 2011, avec pour épicentre le surendettement grec, est là pour nous le rappeler. Cette contrainte tend à disparaître dès lors qu’il existe un acheteur en dernier ressort et donc si les Banques centrales acceptent d’acheter de la dette publique à la place des épargnants privés. Et c’est exactement ce que les Banques centrales font aujourd’hui avec les politiques d’assouplissement quantitatif de rachats massifs de titres souverains qui garantissent en quelque sorte la solvabilité des États. On est dans l’esprit de la théorie monétaire moderne qui considère que la solvabilité d’un État relève du mythe. Selon ses partisans, un État qui émet dans sa propre monnaie a la capacité illimitée de battre monnaie pour rembourser sa dette. Il peut dès lors s’affranchir de toute contrainte financière tant que la Banque centrale lui permet de se financer, indirectement ou directement, et pilote les taux d’intérêt pour maintenir la dette publique sur une trajectoire soutenable.

Néanmoins, cette création monétaire débridée risque à terme de déclencher une spirale inflationniste. Cette menace n’en est pas une dans un monde mondialisé et vieillissant, percuté par la révolution du numérique où l’empreinte inflationniste a disparu depuis plus d’une décennie sachant, en outre, que la crise actuelle porte en elle les germes de son contraire à savoir, la déflation. Une monnaie en excès pose également la question de sa valeur avec un risque de débasement lorsque les agents se mettent à la fuir. Cependant, dans le contexte actuel de recours généralisé à la planche à billets, aucune grande devise ne peut jouer un rôle ultime de monnaie refuge.

Dans ce monde où tout est relatif, la question du financement de la dette devient ainsi secondaire, mais cette cavalerie financière ne va pas durer éternellement puisque tôt ou tard les Banques centrales devront débrancher la perfusion monétaire. Le retrait se fera inévitablement en douceur de manière à maintenir encore longtemps les taux d’intérêt à des niveaux bas et inférieurs à la croissance nominale afin de desserrer l’étau budgétaire et d’apurer les dettes dans la durée. En effet, tant que les recettes fiscales arrimées à la croissance progressent plus vite que les dépenses en intérêts, le déficit budgétaire peut se réduire spontanément et le poids de la dette publique s’alléger sans avoir besoin d’une cure d’austérité, mais sans toutefois relâcher la discipline.

Cependant, ne pouvant plus compter sur les achats « en exclusivité » des Banques centrales, les États, lourdement endettés, vont devoir à nouveau composer avec l’appétit des investisseurs privés, lesquels se montrent de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux et sociétaux. D’ailleurs, toutes les dettes ne se valent pas, entre celle « improductive » qui couvre un déficit de fonctionnement, et celle qui finance des investissements, créateurs de valeurs, économique et sociale, sur le long terme. Cette dette utile est aujourd’hui un impératif pour investir dans les nouvelles technologies, et préserver les biens communs – comme le climat ou la biodiversité – et le capital humain afin de tendre vers un nouveau régime d’accumulation écoresponsable et inclusif. Il n’est donc pas question de sacrifier cette dette d’avenir sur l’autel de la rigueur, une dette de surcroît captive pour des investisseurs en quête de sens et de responsabilité… En revanche, se pose la question de la dette Covid qui n’a pas ses attributs puisqu’elle a servi en grande majorité à combler les pertes économiques engendrées par une catastrophe sanitaire, dont nul n’est responsable. Afin que cette dette n’entrave pas les capacités d’investissement futures, la solution serait de la cantonner en la laissant dans le bilan des Banques centrales aussi longtemps que nécessaire, voire à perpétuité…

Adoption de la plateforme de certification blockchain de Wiztopic
Dans le but de sécuriser sa communication, le Groupe Credit Agricole certifie ses documents avec Wiztrust depuis le 20 Février 2020. Vous pouvez en vérifier l'authenticité sur le site wiztrust.com.

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