31-08-2020
Serge Magdeleine : Enseignements de la gestion de crise COVID : les 4-I du nouveau leadership
Il est probablement encore trop tôt pour tirer les enseignements d’une crise dont on voit qu’elle n’est probablement pas terminée. Il est encore trop tôt aussi pour savoir si l’économie « post-COVID » sera -comme tout le monde le souhaite- plus décarbonnée, plus juste socialement et plus respectueuse des différences ....ou bien si -par un réflexe conservateur de ses agents- elle reprendra exactement la forme qu’elle avait début 2020.
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En revanche, on peut d’ores et déjà tirer quelques enseignements de la façon dont chacun a pu « manager la crise » et nous projeter sur quelques postures managériales qui survivront à la gestion de crise COVID et qui pourront à n’en point douter renforcer le leadership des dirigeants en période plus « normale ».
De manière très contre-intuitive, j’ai la conviction que les principes managériaux gagnants de cette gestion de crise sont aux antipodes de ceux qu’on nous a appris. Cette crise a montré que le leadership a été accordé à celui qui FAIT plutôt qu’à celui qui SAIT, à celui qui OSE plutôt qu’à celui qui SUPPOSE, à celui qui BROUILLONNE plutôt qu’à celui qui PERFECTIONNE.
Aussi on peut opportunément distinguer 4 principes qui ont permis aux leaders des entreprises, des institutions, des gouvernements et au fond de toute organisation de mieux gérer la crise : les 4-I
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Ignorance
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Impatience
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Imperfection
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Interdisciplinarité
Le principe d’Ignorance
Alors qu’il est communément admis et même attendu par toute organisation que son leader « sache » les choses (quel cap, quels objectifs, quels moyens mettre en œuvre...), nous avons pu observer dans cette crise, où les vérités d’un jour n’étaient plus celles du lendemain, qu’accepter notre propre ignorance, accepter de ne pas tout savoir, permettait de diminuer la pression négative qui régnait, de gagner paradoxalement la confiance des personnes qui nous entouraient, et même d’entrevoir des solutions nouvelles. L’ancien Premier Ministre Edouard Philippe n’a-t-il pas gagné en crédibilité et en sympathie lorsqu’il a « avoué » de pas avoir toutes les réponses à cette crise ? Le fait de ne pas tout savoir et de l’accepter a permis probablement la définition de solutions collectives innovantes, là où le leader « sachant » pouvait avoir tendance à imposer une solution plus personnelle et « pré-formatée ».
Le principe d’Impatience
Le principe d'impatience qui était déjà devenu une vertu de la gestion de projet « agile » a été érigé en principe fondamental dans cette crise. Il fallait trouver des solutions dans un espace-temps que nous avions rarement connu. Dans la banque, par exemple, nous avons dû mettre en place une chaîne de gestion des Prêts Garantis par l’Etat, depuis l’instruction jusqu’au déblocage des fonds, en moins de 3 semaines. Nous avons dû organiser de manière automatisée des millions de pauses crédits... Bref, nous avons probablement réalisé en quelques semaines un volume de changements et d’innovations comparable à celui d’une année, en rythme de croisière. Cela a été possible car le critère d’arbitrage central de toute action a été le « temps ». Sous cette contrainte et en vertu de ce « principe d’impatience », nous avons pu atteindre des time to market records durant cette période.
Le principe d’Imperfection
Si le time to market est devenu la priorité alors, la variable d’ajustement est devenue le périmètre fonctionnel livré. Mieux vaut livrer moins ou de manière imparfaite mais plus rapidement. « Better done than perfect » est aussi devenu un des principes projets majeurs et nous avons assisté dans cette période à la généralisation des « MVP », les Minimum Viable Products. Bien sûr le MVP livré de manière imparfaite n’était pas la cible, mais il s’accompagnait de toute une batterie de data et d’analyses nouvelles : les « pain points », qui montraient les points où l’utilisateur se perd, ou bien encore les « Customer Effort Scores », qui mesurent de manière quantitative la qualité d’une UX (Expérience client).
L’Interdisciplinarité comme nouveau ciment d’une équipe
Trop souvent segmentées voire isolées les unes des autres, les compétences clés d’un projet, du Marketing aux Maîtrises d’Ouvrage métier, aux intégrateurs en passant par les concepteurs, codeurs et testeurs, ont été rassemblées sur un même plateau projet : en « Squads éphémères ». Ces équipes coeur, ces « pizza teams » comme on les désigne souvent en référence au nombre maximum d’équipiers qui les composent (ne pouvant excéder le nombre d’individus que 2 pizzas peuvent nourrir), ces Squads ne sont pas seulement des lieux où l’on rassemble les compétences, ce sont des lieux où les compétences se challengent les unes les autres, où l’interaction en temps réel de différents métiers crée plus de valeur que de manière juxtaposée. Cette crise a en fait permis de « désiloter » les organisations.
En synthèse, cette crise qui a frappé toutes les organisations de plein fouet, qui a malmené leurs collaborateurs et leurs managers aura toutefois fait émerger des principes de leadership, certes contre-intuitifs, mais qui pourront servir de base au management de nos projets futurs en mode « non-crise ». Au fond, durant cette crise, nous avons mis nos organisations en mode « agile à l’échelle » de manière empirique, un peu comme pour la prose et Monsieur Jourdain. Gageons que nous réussirons à conserver une grande partie de cette agilité pour nos projets futurs !

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Olivier TASSAIN
Responsable adjoint du service presse