25-02-2021
Philippe Brassac : La transformation digitale pour seul horizon ?
En observant de manière inédite notre société contrainte de fonctionner à distance, deux convictions radicalement opposées semblent s'affronter : pour certains, le modèle de banque digitale serait définitivement plébiscité, puisqu'il éviterait tout déplacement et apporterait à chacun la commodité du self-service ; pour d'autres, ce serait tout au contraire le contact humain qui aurait retrouvé ses lettres de noblesse, puisque aucune application digitale, aucun robot, aussi expert soit-il, n'a accordé un seul des 700.000 PGE (Prêts garantis par l'Etat), si importants pour la continuité de l'économie.
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Et si nous avions en réalité besoin et de l'humain, et du digital... mais différemment ?
Nous aurions tort de résumer ce débat par une simple opposition entre modernité et tradition. Et si nous avions en réalité besoin et de l'humain, et du digital... mais différemment ? Les consommateurs ne plébiscitent pas le digital lorsque, silencieusement intrusif dans leur vie quotidienne, il n'a manifestement pour but que d'optimiser la probabilité de vente de tel ou tel produit, en fonction de la catégorie dans laquelle des algorithmes opaques les ont classés. Ils n'apprécient pas plus l'humain, lorsqu'il est encore excessivement soumis aux règles de décisions et procédures qui lui sont imposées par son entreprise, comme un robot ou un logiciel sont contraints par leur algorithme.
En matière de digital, pourtant, il y a tant à faire pour apporter une information construite et pédagogique à des clients affrontant une foule d'incertitudes professionnelles et personnelles. Nul système expert ne sait en réalité si les taux remonteront dans cinq ans, ni si la fiscalité du patrimoine évoluera à ce même horizon.
Mais les clients ont fondamentalement besoin qu'on leur permette de comprendre, d'évaluer puis de décider en toute conscience. Ils ont besoin d'un numérique qui leur rende leur libre-arbitre.
Qu'attendent-ils parallèlement des hommes et des femmes qu'ils souhaitent plus que jamais accessibles en proximité ? Ils n'attendent plus qu'ils fassent à leur place (le digital sera plus efficace), ni qu'ils prescrivent en experts ou en sachants (l'intelligence programmée - plutôt qu'artificielle - sera plus fiable). Ils attendent de la "responsabilité" : des hommes et des femmes capables d'apprécier chaque situation dans sa réelle complexité et son unicité, capables de discernement, d'intelligence émotionnelle, capables de décider in fine. Le digital remplacera "Homo Tayloris", mais il devra être dominé par "Homo Responsabilis".
Mais nous ne passerons pas de l'organisation du travail actuelle à celle de la responsabilité en nous contentant d'investir sur le numérique, ni en nous focalisant sur la seule question du télétravail qui ne change aujourd'hui que le lieu d'accomplissement des tâches du passé.
Il faut en finir avec l'idée que le digital remplacera l'humain : ce n'est pas l'homme qui doit être augmenté par le digital, mais le digital qui doit être augmenté par la responsabilité humaine.
Alors arrêtons d'interroger les entreprises sur leur transformation digitale : elle se fait partout et le plus vite possible. Et commençons à les interroger, à nous interroger, sur leur projet humain.
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